L’immeuble Labaye

Article publié dans le cahier n°95 du premier semestre 2010 des « Amis de Sainte Foy et sa région »

Trésor caché de la bastide
 
Pierre LAMOTHE
 
(Photos François Mas, Serge Argeles, Pierre Lamothe)
Appelé entrepôt Labaye, rue Alsace-Lorraine, cet immeuble est utilisé aujourd’hui comme garage. Il est situé rue Alsace-Lorraine ; appelée rue Saint Jacques jusqu’en 1789, elle devient rue de la Révolution avec l’An II. La Restauration la baptise rue du Temple (en hommage au premier temple, sis place du marché à la volaille). Elle prend son nom actuel en 1908. En 1834, selon le cadastre napoléonien, le n° 636, de la rue du Temple, appartient à Garrau Aîné habitant aux Morins (Saint André et Appelles). Vers 1932, l’entreprise Pinaud – Burlan y exerce son commerce d’épicier en gros puis son successeur Pons. M. Baraton y stocke aussi son commerce de spiritueux. La famille Labaye achète le local à Mme Doulan (héritage Hunaux) vers 1945 ainsi que la maison (de style Renaissance) au coin de la rue Victor Hugo et de la rue Alsace-Lorraine et y exerce l’activité de marchand de grains jusqu’en 1985 environ.
L’analyse des bâtiments permet d’en comprendre la structure. Aux XIII – XIV e siècle, un bâtiment carré, de 8 m de côté, haut de 18 m, est bâti en pierres. Un escalier (sans doute en bois) placé en façade donne accès aux étages supérieurs. Une configuration ordinaire au Moyen Age et que confirme l’absence de toute trace d’escalier ou de trémie à l’intérieur[1]. Dans sa conception, par la forme, les matériaux utilisés, l’immeuble rappelle celui de la tour dite « des Templiers » dont il est contemporain.
L’immeuble rappelle la tour des templiers dans sa conception
                                                               A un chai au nord, limité par la rue Alsace Lorraine. Dessins réalisés avec  SketchUp
                                             B un chai à l’ouest sur la cour initiale                           

                                             C un chai au sud

                                            D la porte cavalière
                                            E une ouverture avec poutre métallique est percée au XX siècle
Description du rez-de-chaussée : une porte côté nord ; une grande porte voûtée, côté est, qui donnait dans une cour pavée de galets de rivière, encore visibles par endroits. Toujours côté est, à l’angle sud, un accès dans le mur, permettant, depuis la cour, de vider du grain dans une mangeoire à l’intérieur de pièce ou écurie. Le rez-de-chaussée, situé à l’extérieur de la tour initiale, possède un sol en galets de rivière apparent par endroits. Ce devait être une cour, ce que confirme la présence des fenêtres, à l’ouest, aux étages.
        La façade Nord est modifiée au XXème siècle avec                        la porte cavalière                     l’ouverture de remplissage   de la mangeoire
           l’emploi malheureux de béton
Le premier étage est une pièce carrée, éclairé par les deux fenêtres coté ouest, avec la porte côté nord qui donne accès au grenier du chai nord et à l’escalier d’accès aux différents niveaux. Des lambeaux de tapisserie ancienne en papier peint très épais subsistent par endroits, en liseré le long des murs à un mètre du sol et sous le plafond. L’accès au 2ème étage se fait par l’escalier droit protégé par une excroissance en bois visible sur le toit.
  Inscrition illisible sur la poutre du rez-de-chaussée (1792?)                                                   Traces de tapisserie au Ier étage
Le deuxième étage est éclairé par une grande fenêtre à l’ouest et surplombée par un œil de bœuf ; des traces de tapisserie sont aussi visibles. L’intérêt de cette salle vient des décorations sur les murs nord, ouest et sud. Des cadres et des colonnes peintes en jaunes définissent les limites d’alcôves. Chaque alcôve accueille un cadre blanc et le dessin d’un saint. On peut parler d’alcôve dans la mesure où on devine sur les murs et au sol les fixations des pitons, des chevrons les délimitant avec l’aide supposée de tentures. 4 statues à l’ouest, 4 au nord et 4 au sud. Seule un dessin de saint reste visible, les autres sont effacés par les intempéries et à cause de l’utilisation des lieux comme entrepôt. Des graffitis, illisibles pour moi, couvrent certains saints. D’après Monsieur Labaye, qui les a lus avant leur usure, certains dateraient de la Révolution (An III, An IV).

              

                                        Les graffitis                                                les flêches jaunes montrent les emplacements qui accueillaient
                                                                                                                                     les poutres partageant la pièces en plusieurs alcoves
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Les recherches aux archives municipales (séries impôts et taxes, police municipale, religion, archives militaires), départementales ne m’ont pas permis d’établir l’origine de ce bâtiment et ses différentes utilisations. Les terriers consultés ont une localisation imprécise pour nous.
Que pouvons nous déduire de l’analyse de ce bâtiment ?
Une première tour, avec un rez-de-chaussée semble adaptée pour recevoir des chevaux. Le premier étage a pu être utilisé comme salle à vivre et un deuxième étage a pu servir de dortoir.
                                                   tapisserie en frise à 1m de haut                                                                                                    oeil de boeuf au 2eme étage
Un agrandissement a été aménagé au nord avec la construction d’une porte cavalière (porte assez haute pour permettre le passage d’un homme à cheval). Puis les chais à l’ouest et au sud, construits à l’emplacement de la cour. Les traces au mur permettent de conclure que le bâtiment fut utilisé à tour de rôle par des religieux, sans doute aussi par des soldats, etc. mais dans quel ordre ?
                                                           le dessin peint mesure environ 2 m de haut
                                                             avec dessin de colonnades comme pour
                                                               le soutenir
On distingue entre chaque alcôve, sur les murs, la trace d’une charpente. La pièce était donc partagée en alcôves aux murs de planches ou de tentures fixées à la charpente. Au 2e étage, le mur est comportait la fenêtre en ogive, l’œil de bœuf et au mur les alcôves peintes en orange avec au milieu la représentation effacée d’un saint (?).
Pierre Lamothe


[1] LEGUAY Jean Pierre, Vivre en ville au Moyen Age, Paris, Editions Gisserot, 2006.